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lundi 14 février 2011

Le sac de Nankin


"City of Life and Death" est un film chinois de 2009, du réalisateur Lu Chuan. Le film, en noir et blanc, porte sur le Massacre de Nankin.

Un film à voir ABSOLUMENT !!! ... et de toute urgence !!! Malheureusement ce film est passé quasiment inaperçu dans notre pays. Il faut dire que le sujet du film (atroce), le traitement du réalisateur (brutal) et la sortie du film en plein été 2010 n'ont pas aidé à un obtenir un succés public. Bénéficiant d'un succés critique d'estime (en France), le film est vu par les journalistes comme une oeuvre courageuse mais bourré de défauts. Quelque soit l'oeuvre, on peut toujours trouver des défauts mais on parle quand même d'un film trés particulier:

1) Le sujet du massacre (ou "sac") de Nankin est encore l'objet de vives tensions entre la Chine et le Japon (qui reconnait du bout des lévres avoir commis des atrocités sur le sol de son voisin entre 1937-1945).

2) La Chine n'est pas un pays démocratique ! il y a une censure et le réalisateur a du (certainement) faire des compromis.

3)le film est en Noir et Blanc, quasi documentaire.

4) Il n'y a pas de héros !

5) Le film MONTRE pendant plus de 2h00 des atrocités.

Je trouve que c'est un film remarquable ! le réalisateur, Lu Chuan, a réussit le tour de force de tenir compte des contraintes diplomatiques du sujet, de la censure et d'opter pour un traitement hyper-réaliste, dans un Noir et Blanc qui convient parfaitement à l'ambiance de fin du monde qui se dégage de ce long-métrage.

C'est la lecture d'un article du magazine Télérama qui avait attiré mon attention sur ce film. Je n'ai eut l'occasion de le voir que bien plus tard en le trouvant par hasard sur un site de streaming (permettant le visionnage de film sans telechargement)


Le sac de Nankin:

Le massacre de Nankin, également connu sous l'appellation sac de Nankin ou Viol de Nankin, est un événement de la seconde guerre sino-japonaise durant lequel l'Armée impériale japonaise se livra à des atrocités contre la population civile de la ville chinoise de Nankin et les soldats de l'armée nationaliste du Guomingdang faits prisonniers.

Ce massacre, qui débuta le 13 décembre 1937 juste après la bataille de Nankin, dura six semaines et fit entre 100 000 et 300 000 victimes suivant les sources et selon l'étendue de la zone considérée. Il eut lieu sous les yeux de nombreux Occidentaux, dont les Américains John Magee, George Fitch et Robert Wilson — seul chirurgien resté à Nankin durant le massacre —, ainsi que l'Allemand John Rabe et la missionnaire Minnie Vautrin dont les mémoires personnels ont été publiés.

Pour bien se représenter l'ampleur du massacre, imaginez que les Allemands entrant à Lyon (ou Paris) en Juin 1940, juste aprés la débacle, y massacrent durant 6 semaines 300 000 personnes: femmes, enfants et vieillards !!! Cela n'aurait pas choqué pour des générations la population française, non ? ... je ne parle même pas d'une réconciliation franco-allemande ! ><

Filmographies:

* Soleil noir : le massacre de Nanjing (1995), réalisé par Tun Fei Mou
* Ne pleure pas Nanjing (1995), réalisé par Ziniu Wu
* Le cauchemar de Nanjing (2004)
* Nanking (2007), réalisé par Dan Sturman et Bill Guttentag.
* Le sac de Nankin (France, 2007), documentaire de Serge Viallet.
* City of Life and Death (2009), réalisé par Lu Chuan




Le réalisateur du film, Lu Chuan, a déclaré que le film n'avait pas de "héros", préférant montrer à la fois l'horreur du massacre et le comportement humain de personnes ordinaires. La BBC le décrit comme « un film sombre, avec des scènes de viol, de meurtre et de cruauté ».

Le réalisateur Lu Chuan, durant le tournage du film "City of Life and Death":




Selon Lu, le film s'adresse à la fois à un public chinois et japonais. Son objectif est de montrer aux spectateurs japonais la réalité du massacre, et les raisons pour laquelle de nombreux Chinois ressentent de la colère à l'encontre du Japon, encore aujourd'hui. Mais il s'agissait également de contrer l'image, en Chine, de Japonais uniformément monstrueux ou inhumains: « Il est très important de montrer aux Chinois que les Japonais sont des êtres humains – et pas des bêtes. » Pour cela, Lu fit du soldat japonais Kadokawa l'un des personnages principaux du film. Kadokawa, « dont le comportement, dans la barbarie ambiante, reflète une culpabilité de plus en plus insupportable, au point qu'à la fin du film il libère deux Chinois et se suicide ». Lu affirma vouloir marquer sa différence avec les films précédents au sujet du massacre :

« Les films de guerre chinois sont tous sur le même format, les Chinois sont braves, les Japonais monstrueux. Là, les gens voient tout à coup la réalité, les jeunes surtout réagissent très bien, ils revoient plusieurs fois le film. »

Il s'appuya notamment sur la lecture de carnets intimes de soldats japonais.

Les personnages japonais sont incarnés par des acteurs japonais. Lu expliqua à Xinhua (l'une des 2 agences de presse Chinoise) qu'il avait eu quelques difficultés à trouver des acteurs japonais. Il ajouta que plusieurs d'entre eux avaient été bouleversés pendant le tournage :

« Ils pleuraient et ont demandé à partir parce que les atrocités lors du massacre, comme les viols et les tueries, les rendaient fous. Je pense que leur douleur et leur confusion sont exactement ce que je voulais présenter dans ce film. »

En Chine, il fallut un an avant que le film ne soit accepté par les censeurs et soutenu par China Film, permettant sa diffusion. Lu déclara qu'il espérait voir le film diffusé également au Japon.

Les réactions du public chinois au film furent très variées. Certains louèrent ce film émouvant, tandis que d'autres l'accusèrent de présenter les soldats japonais avec trop d'humanité. Le film suscita des débats sur Internet occupant des milliers de pages. Lu reçut une lettre le menaçant de mort ainsi que plusieurs menaces de mort sur son blog.


Bas-relief du mémorial de Nankin:


Cliquer pour aller sur une page internet permettant de telecharger un documentaire de 52' sur le sac de Nankin.






Contexte historique:




* Invasion de la Chine:


En septembre 1931, l'armée impériale japonaise envahit la Mandchourie, suite à un attentat contre une voie de chemin de fer appartenant à une société japonaise. En 1932, Hirohito approuva la nomination d'un gouvernement fantoche, avec à sa tête le dernier empereur de la dynastie Qing, Puyi, dans cette province chinoise, renommée Manzhouguo (ou Mandchoukouo).

En 1937, suite à l'incident du pont Marco Polo, Hirohito donna son accord à l'invasion du reste du territoire chinois, ce qui conduisit à la Guerre sino-japonaise (1937-1945). Dès lors, l'armée japonaise se vit opposer une forte résistance, notamment durant la bataille de Shanghai qui fut particulièrement sanglante.

Une des explications pour comprendre les atrocités commises par les japonais à Nankin est la décision prise par Hirohito, le 5 aout 1937, d'approuver une directive de son état-major suspendant les mesures de protection du droit international à l'égard des prisonniers chinois. L'influence de la propagande impériale qui décrivait les étrangers et surtout les autres populations asiatiques comme des « êtres inférieurs » faits pour être dominés, voire du bétail (kichiku), fut certainement aussi significative.

Pendant le trajet menant de Shanghai à Nankin, le Nichi Nichi Shimbun rapporta en feuilleton s'étalant du 29 novembre au 13 décembre, un concours impliquant deux officiers de l'armée japonaise qui avaient parié pour savoir lequel d'entre eux serait le premier à décapiter 100 Chinois avec son sabre (!).



* Le Massacre (13 Décembre 1937 au 31 Janvier 1938):

Le 8 décembre, alors que Nankin, capitale du gouvernement Nationaliste chinois, était assiégée, Tchang Kaï-chek et sa femme évacuèrent la ville avec une partie des troupes. Le 11, les soldats chinois demeurés sur place reçurent à leur tour l'ordre d'abandonner la capitale.


Des soldats de l'armée impériale japonaise pénètrent dans la ville de Nanjing:




Le 13 décembre, la bataille de Nankin était terminée. L'armée japonaise, forte de plus de 160 000 hommes, pénétra dans la ville, fit prisonniers les soldats chinois encore présents et les divisa en petits groupes. Le massacre débuta alors et les Chinois de tous âges, aussi bien civils que militaires, furent tués à la baïonnette et au sabre pendant que les femmes étaient violées et éventrées.

Dans son journal de bord, le lieutenant-général Kesago Nakajima, note le passage suivant pour la journée du 13 décembre : « Il y a des prisonniers partout, tellement que nous ne pouvons pas nous en occuper… La règle en vigueur est "N'acceptez aucun prisonnier !"… J'ai entendu dire que l'unité Sasaki a disposé à elle seule de 1 500 Chinois. Une compagnie assurant la garde de la porte Taiping a disposé d'un autre 1 300. Un groupe de 7 000 à 8 000 s'est incrusté autour de la porte Xianho et est encore en train de se rendre. Nous avons vraiment besoin d'une large tranchée pour régler le sort de ces 7 000 à 8 000 mais nous ne pouvons en trouver aucune, alors quelqu'un a suggéré ce plan : "Divisez-les en sous-groupes de 100 à 200 et conduisez-les dans un endroit approprié pour les éliminer" »

Ci-dessous,Cadavres de chinois le long des berges du Yangzi Jiang:



Nankin disposait d'une zone internationale où résidaient de nombreux Occidentaux. Leurs témoignages décrivent des exécutions sommaires de civils, des actes de tortures voire de vivisection, des viols collectifs de femmes et d'enfants, et ce, sans la moindre tentative de « reprise en main » du commandement japonais.

Les Occidentaux furent les témoins du massacre jusqu'au 15 décembre, date où la majorité d'entre eux furent forcés d'évacuer la ville à l'exception d'un groupe de 22 personnes, dont le directeur de la zone, l'Allemand et membre du parti nazi John Rabe (« l'Oskar Schindler de Chine ». Il est connu en Chine sous le nom du « Bouddha vivant de Nanjing »), qui écrivit un journal détaillé des événements et tenta de protéger les civils au mieux de ses moyens.

Il y note notamment pour le 13 décembre : « Ce n'est pas avant d'avoir parcouru la cité que nous réalisons l'ampleur de la destruction. Nous tombons sur des cadavres tous les 100 ou 200 mètres. Les corps des civils que j'ai examinés avaient des trous de balle dans le dos. Ces gens ont vraisemblablement fui avant d'être abattu par derrière. », puis pour le 17 décembre : « La nuit dernière près de 1 000 femmes et filles auraient été violées, et environ 100 au collège pour filles Ginling. On n'entend rien d'autre que des viols. Si les époux ou les frères interviennent, ils sont abattus. De tous côtés, ce que l'on entend et voit, c'est la brutalité et la bestialité des soldats japonais. » « Des corps jonchent le sol tous les 100 ou 200 m. On est saisi d'un écœurement irrépressible en trouvant encore et encore les cadavres de femmes avec des tiges de bambou insérées dans la vulve. Même de vieilles femmes de plus de 70 ans sont régulièrement violées»


Ci-dessous, cadavre d'une femme avec une tige de bambou dans la vulve. Cette pratique était utilisée par les soldats japonais pour marquer leur mépris à l'égard des chinoises:



Le 19 décembre, le réverend James M. McCallum écrit quant à lui dans son journal : « Je ne sais pas par où commencer. Jamais je n'ai entendu ou lu une telle brutalité. Viol! Viol Viol Nous les estimons à au moins 1000 cas par nuit et plusieurs par jour. En cas de résistance, ou de n'importe quel geste qui ressemble à de la désaprobation, il y a un coup de baionnette ou une balle... Les gens sont hystériques... Des femmes sont enlevées tous les matins, les après-midi et les soirs. Toute l'armée nipponne semble libre d'aller et de venir à sa guise, et de faire tout ce qui lui plait. »

Une fois la ville sous contrôle, le prince Yasuhiko Asaka (Oncle de l'empereur Hiro-Hito) et le général Iwane Matsui, commandants des forces impériales, purent y pénétrer en grande pompe.



*Jugement des crimes:

Le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient (TMIEO) a établi que durant les six semaines qu'ont durée les atrocités, 20 000 viols furent perpétrés et estima qu'il y eut environ 200 000 personnes tuées par les Japonais, estimations fondées sur les documents détenus par les deux associations humanitaires qui s'étaient chargées du rassemblement et de l'enterrement des cadavres, ainsi que sur les témoignages des survivants. Le tribunal de Nankin a quant à lui évalué à 300 000 le nombre de victimes. Cette estimation comprend « plus de 190 000 civils et soldats chinois massacrés à la mitrailleuse par l'armée japonaise, dont les corps ont été brûlés pour dissimuler les preuves. » et plus de « 150 000 victimes d'actes de barbarie que les associations de charité ont enterrées. »

Ce nombre a été adopté officiellement par le gouvernement chinois qui l'a inscrit sur le mausolée commémoratif du massacre. Le nombre de personnes tués est encore sujet à caution en fonction des dates retenues et des zones considérées, mais il est incontestables que des centaines de milliers de personnes furent victimes d'actes de barbarie et de massacres à grande échelle.

Le général Iwane Matsui, responsable militaire des troupes ayant pris Nankin fut condamné à mort lors du Procès de Tōkyō pour ne pas avoir empêché le massacre. En raison d'un pacte conclu en 1945 entre l'empereur Hirohito et le général Douglas MacArthur, le prince Yasuhiko Asaka, oncle de l'empereur et officier ayant commandé le massacre des civils, ne fut pas accusé devant le tribunal. Dans une déposition faite le 1er mai 1946 aux enquêteurs internationaux, il nia l'existence d'un massacre et déclara « n'avoir jamais reçu de plainte quant à la conduite de ses troupes ».

Ci-dessous, le prince Yasuhiko Asaka en 1940:





* Négationnisme:

En 2010 au Japon, certaines personnes, dont des politiciens de haut rang, nient publiquement l'existence du massacre ou mettent en cause le nombre de personnes tuées et son importance dans l'Histoire. Cette discussion relève du négationnisme.

En avril 2005, la parution au Japon de manuels scolaires minimisant l'importance du massacre de Nankin (réduit à une note en bas de page), provoque de violentes manifestations anti-japonaises en Chine, en Corée du Sud, ainsi qu'une dénonciation virulente de la part des autorités nord-coréennes (la Corée entière fut occupée par le Japon de 1910 à 1945).

En novembre 2006 commençait l'année de la culture de la Chine au Japon en signe de la réconciliation entre les deux pays. Le comité conjoint de 20 historiens a terminé la première phase de ses travaux en décembre 2006 à Beijing, sans que ne soient toutefois abordés des sujets spécifiques comme le massacre de Nankin. En janvier 2009, le comité conjoint déposait un rapport dans lequel les deux parties reconnaissent l'existence d'une "guerre d'agression" menée par le Japon, de "meurtres de masse" à Nanjing, mais ne s'entendent pas sur le nombre de morts.

En novembre 2006, le premier ministre japonais, Shinzō Abe, tenta de mettre fin aux querelles en reconnaissant que son pays avait commis des atrocités durant la Seconde Guerre mondiale et de se réconcilier avec son voisin Chinois. Il alimenta toutefois lui-même par la suite cette controverse avec ses propos sur les femmes de réconfort (terme pudique pour décrire l'esclavage sexuel dont était victime les femmes chinoises et coréennes).

72 ans aprés les faits, le "sac de Nankin" (comme on l'a appelé en Occident) est un sujet de tension entre les 2 anciens ennemis.


Pour en savoir un peu plus, vous pouvez consulter les liens suivants:

* Une étude exhaustive (en anglais) des atrocités commises par les japonais à Nankin, durant les 6 semaines d'horreur de la prise de la ville.
* un montage photo, avec légende (en anglais), effectuée par l'université de Princeton.
* le site officiel du mémorial de Nankin (en anglais).


Un documentaire, REMARQUABLE, de serge Viallet:



Le sac de Nankin part 1
envoyé par Emir_ak47. - L'actualité du moment en vidéo.


Le sac de Nankin part 2
envoyé par Emir_ak47. - L'actualité du moment en vidéo.


Le sac de Nankin part 3
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